ENQUÊTE SUR L’ALCHIMIE

de STANISLAS CADEO

Réalisateur et chef opérateur

de Courts métrages, bandes annonces, clips..

Paris 03 avril 2009.

Intrigué tout d’abord par les alchimistes, c’est la persévérance dans leur quête, qui m’a progressivement fasciné. Enfant j’avais déjà  en tête les images de mes livres de contes, avec ces vieux barbus écrivant des formules magiques dans leurs grimoires, hanté par l’idée de convertir le métal en or. Plus tard, j’appris que l’alchimie avait réellement existé et que c’était une science vieille comme le monde. Quant à savoir ce que les alchimistes avaient réellement trouvé, personne ne sut jamais me le dire vraiment… 

J’ai découvert qu’à travers les âges, les alchimistes ont toujours cherché les secrets de la transmutation de la matière, afin d’accomplir ce qu’ils appellent « le Grand Oeuvre ». Mais la quête alchimique n’a semble t-il pas pour seul but la transformation du plomb en or, comme le cliché le laisserait penser. Ces êtres « mystérieux » sont surtout de vrais chercheurs de vérité, des philosophes en quête de la perfection.

 C’est étrange. Quelle mouche avait piqué ces hommes, tous à la recherche de cette fameuse pierre philosophale ? La cherchent-ils encore ? L’ont-ils trouvée ? Il faut bien de la constance pour poursuivre un but aussi incertain… Existe-t-il encore des alchimistes ? Quelle est cette mystérieuse soif qui les anime depuis des millénaires ? Tout cela est à première vue, très loin de me paraître évident. Je veux comprendre ce qui peut pousser des êtres à « transcender » leur vie, à sacrifier logique et raison pour entamer et poursuivre avec acharnement une telle quête.

                                    

*  *  *

Première approche « virtuelle ».

 

J’ai encore tout à découvrir de l’alchimie. J’essaie de m’imaginer un alchimiste, mais pourtant, je sais bien que la représentation que j’en ai est sûrement loin de la vérité. Par où commencer ?

Lorsque je titille le grand Google avec le mot « alchimie », le premier site qui m’est proposé est un site de jeu vidéo qui explique comment devenir alchimiste et fabriquer des potions magiques qui rendent invincibles. Il y a ainsi toute une série de forums avec des messages du genre : « Je viens d’apprendre le métier d’alchimiste et je ne sais pas où trouver les fioles et les ingrédients requis pour concocter une potion, pouvez-vous m’aider? ». Ensuite c’est le site d’Alchimie Conseil, une société spécialisée en conseils pour le recrutement. Cette société se vante en première page de « réaliser l’alchimie entre l’expertise requise, la personnalité adaptée […] et les objectifs professionnels du candidat ». Puis c’est au tour d’un parfum : « Alchimie de Rochas, eau de parfum pour femme ». Puis c’est un jeu payant en ligne, dans lequel on peut s’amuser à mélanger des potions magiques pour fabriquer de l’or. Aussi, de nombreux restaurants et magasins portent ce nom. C’est également un sauna et club libertin « L’alchimiste 83 », bref, le mot est utilisé à toutes les sauces… Décidément, « Alchimie » est aujourd’hui un mot à la mode et qui fait vendre… J’arrive enfin à une sorte d’encyclopédie très épurée qui donne la définition suivante de l’alchimie : « Science occulte du Moyen Age consistant en la recherche de la transmutation des métaux en or. Syn. sorcellerie ».

En cherchant davantage, j’arrive sur des sites plus sérieux. J’y apprends que le mot « alchimie » provient de l’Arabe « Al-Kemia ». « Al » signifie l’Être Suprême, le Tout Puissant. Et « Kemia », la chimie. C’est pourquoi cette discipline serait l’ancêtre de la chimie moderne. Elle est apparue d’abord en Egypte vers -100 av J.C, puis se serait développée chez les arabes et les européens plus tardivement au moyen âge. Enfin vers la fin du XVIIeme, elle aurait connu un très fort déclin. Mais les informations dont je dispose restent floues quant à cette extinction probable. L’alchimie s’est donc perpétuée à travers les siècles.

 

La majorité des rares sites Internet que je trouve sur le sujet parlent des alchimistes comme de chercheurs invétérés. Ce sont des obstinés, capables de consacrer une vie à leurs recherches. Je trouve quelques informations à propos des plus célèbres. Parmi lesquels, et par ordre chronologique, il y a : Raymond Lulle (XIIIeme siècle), Nicolas Flamel (XIVeme siècle), Basile Valentin (XVeme siècle) et Paracelse (XVIeme siècle) pour ne citer qu’eux.  Les quelques portraits que je trouve représentent des hommes étranges et mystérieux. (Þ voir planche n°1 : portraits) Il semble ne plus y avoir de successeurs reconnus à cette grande famille d’alchimistes. D’ailleurs Lavoisier éradiquera presque l’alchimie au XVIIIeme siècle, avec le développement de la chimie moderne. Je dis presque, car il subsiste pourtant des résistants tenaces au XIXeme et même XXeme siècle, ayant une approche encore plus ésotérique. Ainsi Fulcanelli, né en 1839, dont la date de mort reste très énigmatique, aurait été l’un des derniers. Il aurait eu pour disciple Eugène Canseliet (1899-1982). (Þ voir Pl n°1 : suite portraits) Fulcanelli aurait réussi à découvrir les secrets de la vie éternelle et de la Pierre Philosophale, avant de disparaître dans des conditions très secrètes. Il ne subsiste aucun document relatif à sa mort ! Aurait-il mis la main sur quelque chose ? D’aucuns le supposent… Quant à Eugène Canseliet, il n’est fait état nulle part d’un éventuel disciple lui ayant succédé…

En creusant plus encore, je tombe sur la page Internet d’une certaine Delphine Novarina. Cette femme propose des visites guidées dans Paris. L’une d’entre elles s’intitule  : « La visite du Paris alchimique », sous-titré « Faites le tour du Paris Alchimique, partez à la quête de la pierre philosophale ». Ça y est je dois être sur une piste ! Cette Delphine invite à marcher sur les traces des anciens alchimistes parisiens. Elle suggère un circuit qui part du quartier latin, en passant par Notre Dame, le quartier de Saint Jacques de la Boucherie pour arriver à la maison de Nicolas Flamel. C’est donc que la maison de Flamel existe encore ? Ça m’intrigue. Enthousiaste, je téléphone à cette personne pour lui expliquer mon enquête et lui dire que je veux faire cette visite dès que possible. C’est une petite

voix que j’entends. J’imagine bien un petit bout de femme, la cinquantaine. Elle m’annonce qu’elle ne reprend pas les visites avant le retour des beaux jours. J’insiste en lui demandant s’il n’est vraiment pas possible de faire cette visite plus tôt. Je lui fais même remarquer qu’il a fait beau le week-end dernier !… Mais pour ça il faut payer, et quand on ne bénéficie pas d’un tarif de groupe, c’est exorbitant ! De plus, elle est expéditive, je ne peux parler d’alchimie avec elle. C’est fichu pour moi…

Mais je n’ai pas tout perdu puisque la maison de l’alchimiste le plus célèbre de Paris serait encore debout. Il ne m’est pas très difficile de retrouver le lieu. La maison est plantée là, sur la carte de Google Maps sur Internet, comme un incroyable anachronisme. Il y a maintenant six siècles que Nicolas Flamel y vivait. C’est au 51 rue Montmorency dans le 3ème arrondissement de Paris. Je décide de m’y rendre.

 

*  *  *

A l’Auberge Nicolas Flamel.

 

Il bruine, tout est humide dehors. La maison de Nicolas Flamel est largement identifiable dans la rue. La patine de la façade ne passe pas inaperçue. La pierre foncée est marquée par les siècles. Ce n’est pas du toc, c’est sûr… Les boiseries sont érodées. La devanture est étrange. Elle est ornée de caractères hiéroglyphiques gravés à même la pierre. Armé de mon reflex numérique, je commence par prendre en photo les multiples facettes sculptées de l’édifice. (Þ voir Pl n°2 : la maison de N.Flamel) La maison abrite aujourd’hui l’Auberge Nicolas Flamel. Le menu est affiché. Ce n’est pas donné, c’est de la cuisine plutôt raffinée. Il y a de la lumière à l’intérieur, mais l’établissement ne semble pas ouvert. Je tente ma chance, je frappe à la porte. Une femme vient déverrouiller la serrure. Je me retrouve hors temps, un peu surpris face à une jeune aubergiste vêtue d’une tenue traditionnelle, à la manière très anglaise. D’ailleurs elle a un fort accent. Je lui explique alors ma démarche, et lui demande si je peux entrer pour découvrir les lieux. Elle est plutôt coopérante. Il faut dire que l’intérêt que je porte à Nicolas Flamel semble la flatter. Elle est seule, l’ouverture de l’auberge est prévue pour le début de la soirée. Bien conservé, le lieu semble ne pas avoir bougé depuis des siècles. Il y a des poutres et des pierres apparentes partout. Elle m’explique que la maison fut construite pour Nicolas Flamel et sa riche épouse Dame Pernelle en 1407. Elle a été restaurée il y a peu. Les Flamel auraient aménagé cette bâtisse comme refuge pour recevoir les pauvres. L’aubergiste a l’air de bien connaître l’histoire de ces murs et elle en parle fièrement. J’en profite pour lui poser toutes les questions qui me viennent à l’esprit. J’apprends que Flamel était d’abord copiste, notaire puis libraire. Il serait devenu alchimiste du jour au lendemain, après avoir découvert le manuscrit d’Abraham le Juif[1]. Ce manuscrit aurait contenu le secret de la pierre philosophale. C’est à partir de là que Flamel vouât sa vie toute entière à l’alchimie et au décryptage du grimoire. L’homme était persuadé de percer le secret de la transmutation du métal en or. La jeune femme m’apprend même que Flamel se serait fait enterrer avec ses écrits, et que des voleurs à la recherche du fameux manuscrit auraient découvert la tombe vide. Flamel aurait donc lui aussi réussi le Grand Œuvre… Cette histoire entretint par la suite le mythe des alchimistes immortels.

Je demande à cette femme accueillante si des vestiges du laboratoire de Flamel ont été conservés dans cette maison, mais non. Elle m’invite à visiter le premier étage,  m’expliquant que l’espace est réservé pour des réceptions privées. Elle m’autorise à prendre quelques clichés. Je remarque sur un « corbeau » un signe gravé en forme de croix, avec deux demi cercles de chaque coté. L’anglaise m’observe avec un regard amusé. Un peu gêné, je l’interroge en balbutiant sur l’intérêt que cet univers susciterait chez d’éventuels alchimistes contemporains. Sert-il de lieu de pèlerinage ? Croyant que je plaisante elle me répond, souriante, que non. Son restaurant ne reçoit que des gens « normaux ». Pour finir, je la questionne sur la signification de ces signes gravés un peu partout dans et sur la maison. Elle m’explique alors que ce sont des symboles connus des seuls alchimistes. J’apprends aussi que c’est une méthode de transmission à travers le temps. Selon elle, c’est très compliqué à déchiffrer. C’est très symbolique. Elle n’en sait pas plus. Je sens surtout que mon entêtement commence à la lasser. Je la remercie de cette visite improvisée. Coquette, elle réajuste son chignon et me dis que je peux revenir quand je veux mais qu’il serait formidable que nous puissions parler d’autre chose !

Cette rencontre était certes intéressante, mais ne m’avait pas apporté grand-chose. Cependant ces symboles de la maison de Flamel m’intriguent. Qui pourrait m’en dire plus sur ces indices et la quête alchimique ? Le mieux pour moi serait de rencontrer un amateur d’ésotérisme, ou bien, mieux encore, un alchimiste, mais je pense de plus en plus que c’est une espèce en voie d’extinction…

 

Pour plonger plus avant dans mon enquête, je décide de relire le roman de Paulo Coelho : L’Alchimiste. Peut-être ce dernier me donnera-t-il une définition synthétique de ce qu’est l’alchimie. Je retiens cette phrase :

« Les alchimistes restaient plusieurs années dans leurs laboratoires, à observer ce feu qui purifiait les métaux. Et tant ils regardaient le feu que, dans leur for intérieur, ils en venaient peu à peu à abandonner toutes les vanités du monde. Alors un beau jour, ils s’apercevaient que la purification des métaux, en fin de compte, les avait purifiés eux-mêmes[2] ». Ce qui me conduit à repenser à une phrase d’un certain Angelus Silésius trouvée dans le dictionnaire des symboles : « Le plomb se change en or, le hasard se dissipe quand avec Dieu, je suis changé par Dieu en Dieu[3] ». Si je suis presque sûr qu’il ne reste rien de l’alchimie pratiquée en laboratoire, je suis persuadé que l’alchimie existe toujours, qu’elle a changé de forme… Je commence à peine à comprendre sur quel chemin je me suis lancé. C’est la quête la plus impossible qui soit…

 

*  *  *

Patience et longueur de temps…

 

A la recherche de nouveaux éléments, peut être d’une rencontre, j’ai l’idée de m’orienter vers des lieux où l’on parle encore d’alchimie. Après tout l’alchimie n’est-t-elle pas l’ancêtre de la chimie ?

Je pense d’abord au Musée des Arts et Métier de Paris. Je m’y rends. J’explique à la documentaliste du premier étage mes recherches. Surprise, bouche ouverte, elle regarde sans conviction dans ses fichiers l’air de dire que c’est peine perdue. Selon elle, c’est une discipline beaucoup trop vieille pour les ressources possédées au musée. L’établissement n’a que des archives qui remontent à la chimie moderne, c’est-à-dire à partir de Lavoisier. Elle me suggère la bibliothèque de la Cité des Sciences et de l’Industrie de la Villette. En attendant, si je veux, je peux toujours aller au deuxième étage où est exposée une partie du laboratoire de Lavoisier. J’y monte tout en sachant que je ne trouverai rien. Je prends quelques photos en catimini. C’est sans doute ça aussi la constance ! Tous ces alambics me permettent cependant de mieux imaginer ce à quoi pouvait vaguement ressembler un laboratoire d’alchimiste.

Le même jour, je me rends à la Cité des Sciences et de l’Industrie. A ma grande joie l’alchimie ne leur est pas inconnue. Ils ont effectivement quelques livres sur le sujet que je feuillette. C’est très complexe ! Je remarque que certains des caractères ressemblent à ceux de la maison de Nicolas Flamel. Tout un tas de symboles hiéroglyphiques y sont expliqués. Il y en a une quantité, mais même leur « traduction » ne m’évoque pas grand-chose : « Aimant et Feu Philosophique », « Élixir des philosophes », « Sel alcalifixe », « Sel alcali volatile », il y en a comme ça des pages et des pages. Je reste dans le flou. Jusqu’à ce que je trouve un petit résumé précis qui m’éclaire sur le Grand Œuvre. Le Grand Œuvre se constituerait d’une partie dite « liquide » et d’une partie dite « solide ». La partie liquide est appelée « Élixir de Longue Vie ». Cet élixir aurait le pouvoir de guérir toutes les maladies et d’accéder ainsi à l’immortalité pour celui qui le produit. La partie solide est la Pierre Philosophale. C’est elle qui permet de transformer à partir d’un petit fragment d’or, de grandes quantités de vil métal en or. Je trouve aussi deux films. Le premier, « Paracelsus », est une fiction de Georg Wihelm Pabst de 1942 en noir et blanc. J’en regarde quelques extraits. Le film retrace la vie de Paracelse au XVIeme siècle. Puis je regarde l’intégralité d’un documentaire passionnant sur Paracelse : « Paracelse ou la Renaissance de la Médecine », de Monique Tosello (1982). J’y apprends que déçu par la médecine de l’époque, Paracelse se consacra à l’alchimie et aux médecines alternatives. C’est le premier à être persuadé que l’on peut aussi soigner à l’aide des métaux. Il remit tout en cause et consacra sa vie à la recherche alchimique. Il sera l’un des précurseurs de Lavoisier. Mais à aucun moment le documentaire ne parle d’une éventuelle poursuite de recherches alchimiques de nos jours… J’en ai appris un peu plus, mais tout cela reste bien maigre.

Pris dans ma réflexion, je vois de l’alchimie un peu partout dans la rue… (Þ voir Pl n°3 : au Musée des Arts et Métiers, à la Cité des Sciences et quelques devantures dans la rue)

L’alchimie m’avait aussi été décrite comme une science occulte, proche de la sorcellerie. Peut-être que ce versant de la discipline serait plus d’actualité. En tout cas, ce n’est sûrement pas à la Cité des Sciences et de l’Industrie que je trouverai ce genre d’information.

 

Poursuivant mon enquête, je trouve différents sites Internet dédiés aux sciences occultes. Mais toujours rien sur les alchimistes contemporains. J’envoie un mail au web master du site « La librairie du merveilleux », un site sur l’alchimie. Je n’ai aucune réponse. Je m’inscris ensuite sur le forum de la boutique ésotérique « L’alliance Magique ». J’y dépose un long message pour expliquer que je recherche des alchimistes. Une personne utilisant le pseudo « Ossian » me répond « ici, on trouve parfois Grimorn, Nigremont, et quelques autres, qui sont des « chercheurs d’or » d’aujourd’hui… ». Ces noms sont étranges, mais je décide de jouer le jeu et d’aller demander conseil à ces deux membres… Nigremont me répond : « …il y a bien des alchimistes actifs de nos jours, mais la plupart travaillent dans la discrétion, pour ne pas dire le secret… ». Et il me donne le nom d’un alchimiste : Rubellus Petrinus. Quant à Grimorn : pas de réponse. J’ai vraiment l’impression de jouer à cache-cache… Ou tous ces gens se protègent, où ils n’existent pas ! Sur la piste que m’a indiqué Nigremont, je trouve la page Internet de Petrinus. Il indique son mail. C’est un portugais, qui pratique toujours l’alchimie dans un laboratoire. Rubellus Petrinus est son nom de plume. Il est loin de moi mais ce n’est pas grave, il acceptera peut être que nous communiquions par e-mail, et peut être qu’il connaît des alchimistes français. J’essaye de lui envoyer un mail…

Quelques jours plus tard, Rubellus Petrinus m’envoie une réponse. Il est d’accord pour répondre à quelques questions. Ma première demande est : qu’est-ce qui l’a poussé à faire de l’alchimie ? Il me répond que c’est après avoir lu un livre de Jacques Bergier. Pris d’une grande curiosité, il voulait savoir à tout prix si ce que cet alchimiste avait écrit était vrai. (Décidément il semble qu’il y ait toujours un « hasard » qui conduise un destin à s’orienter vers l’alchimie : une rencontre, un livre, un signe…) Il m’apprend que Jacques Bergier était un ingénieur chimiste, alchimiste, espion, journaliste et écrivain franco-polonais contemporain… Petrinus me confie qu’un maître alchimiste l’a ensuite initié, puis il a continué sa quête tout seul. Il rajoute qu’il travaille encore avec la matière. Je peux voir des photos de son laboratoire sur son site. (Þ voir Pl n°3 : Rubellus Petrinus et son laboratoire) Il ne croit pas à l’alchimie dite « spirituelle ». « Les demeures philosophales » de Fulcanelli l’ont beaucoup influencé dans sa démarche me dit-il. Je lui demande enfin s’il pense terminer le Grand Œuvre un jour. Il me répond : « Peut-être ? ». Cela fait 30 ans qu’il consacre sa vie à la recherche alchimique. Selon lui l’alchimie est comme un puzzle, une seule pièce vous manque et l’édifice s’écroule. Qui plus est, beaucoup de textes seraient faux ou mal traduits. Pour lui le principal c’est la quête de la médecine universelle (“universal medicine”) par la Pierre Philosophale. C’est-à-dire la recherche d’un “…élixir capable de régénérer les cellules de votre corps…

J’envoie d’autres questions à Rubellus. Notamment, je veux savoir pourquoi l’alchimie est un Art. Mais Rubellus devient avare en informations. Il me répond évasivement : « Parce que c’est comme ça ! Les maîtres alchimistes ont dit que l’alchimie était l’art de la transmutation des métaux en or. »

A ma grande surprise, Rubellus Petrinus s’intéresse donc encore à la transmutation des métaux en or, et à chercher la Pierre Philosophale. Mais il n’étale pas son savoir. Est-ce que mes questions l’agacent ? Ou peut-être qu’il n’aime pas des fouineurs dans mon genre ? Je ne le saurai jamais. Petrinus ne répond plus à mes mails. Quoi qu’il en soit, cet homme me paraît bien farfelu…

*  *  *

Les Cents Ciels.

 

Toujours dans ma réflexion sur cette enquête qui commence à s’embourber, j’ai envie d’aller dans une de ces boutiques où l’on trouve toutes sortes de choses ésotériques. « Les Cents Ciels ». J’avais remarqué cette devanture un peu tapageuse. (Þ voir Pl n°4 : enseigne Les cents ciels) Je sais qu’on y fait entre-autre de nombreuses conférences sur le paranormal, la voyance, l’hypnose, et les sciences occultes en général. Je décide de m’y rendre, sans doute aussi avec l’intention de quitter le monde virtuel pour trouver du concret.

J’arrive en milieu d’après-midi. C’est une grande galerie, dans laquelle on vend des pendentifs, des cristaux, des livres, et autres objets qui me sont étrangers. Il y a aussi un petit salon de thé où sont organisés des rencontres, dialogues, témoignages comme l’indique une pancarte. C’est une période de creux, il n’y a pas grand monde. Deux vendeuses, toutes les deux d’une soixantaine d’années, forment un duo insolite. Le « Laurel et Hardi » féminin. Blondes et grandes, l’une a une forte corpulence alors que l’autre est toute menue. Elles sont occupées par deux habituées, sans doute. Les deux clientes parlent fort, comme de vraies commères. L’une d’elles porte un vieux astrakan avec plein de bijoux. Elle a l’apparence d’une voyante. Je fais mine de m’intéresser à la marchandise, j’attends surtout mon tour pour parler aux vendeuses. Mais elles sont loin d’avoir fini de parler. Je me jette dans la mêlée et au culot je parviens à en arracher une de la conversation. Je lui demande ce qu’elle a sur l’alchimie. En soufflant et en haussant les épaules, elle se dirige vers un rayon de livres en me disant qu’elle pense ne pas avoir grand chose. En effet, rien. Je lui parle alors des conférences. Je veux savoir s’il y en a sur l’alchimie. Elle me répond que c’est assez rare. En tout cas il n’y en a pas de prévues ce mois-ci. Cette dame me propose le programme. Il y a des conférences très variées : « Des immortels vivent parmi nous », « Corps, spiritualité, sensualité » ou encore « Pourquoi je ne maigris pas ? »… Bref, il me semble que je m’égare un peu… Puis j’aborde la question délicate de savoir s’il existe des alchimistes contemporains. « Oui bien sûr » répond t-elle à ma question ! Elle dit ça avec un naturel presque agaçant ! Un alchimiste venait peut-être de quitter sa boutique à l’instant !? Toute une série de questions se bousculent dans ma tête. Est-ce qu’elle en connaît un ? Peut-elle m’indiquer une piste ? Mais elle n’est vraiment pas spécialisée en alchimie et ne pourra pas m’aider. La vendeuse demande à son petit groupe. Tout le monde réfléchit jusqu’à ce que l’autre vendeuse se rappelle du nom de Patrick Burensteinas. Elle le sait car elle vend un DVD à la boutique, intitulé : « Le voyage alchimique – Bruxelle la Grande Place ». Patrick Burensteinas y intervient en tant qu’alchimiste renommé. Malheureusement elle ne le connaît pas personnellement. Il aurait fait un parcours scientifique avant de devenir alchimiste. Son profil m’intéresse d’autant plus ! Elles n’ont aucune autre information sur lui. C’est à moi de retrouver ses traces.

Je regarde sur Internet. Patrick Burensteinas est bien un alchimiste contemporain ! Son site Internet s’appelle « Orifaber », et décrit Patrick Burensteinas. C’est un homme d’environ 35 ans, je peux y voir sa photo. (Þ voir Pl n°4 : photo de Patrick Burensteinas) Patrick est bien un scientifique de formation. Il fait des conférences et des stages d’initiation à l’alchimie. Dommage pour moi, toutes les dates qu’il propose ne rentrent pas dans l’échéance de mon enquête. Il a aussi participé à de nombreuses émissions de radio de l’antenne « Ici et demain ». Je peux en écouter certaines, enregistrées. C’est incroyable, il  semble avoir des connaissances sur presque tout ! Il est aussi docteur en physique quantique. Il relie l’alchimie à la mythologie, la chimie, l’ésotérisme, l’architecture, l’art, etc… Je bois littéralement ses paroles. L’alchimie serait une sorte de médecine. Bien plus, c’est tout un mode de pensée et de recherche, une véritable philosophie. La qualité primordiale de l’alchimiste est la persévérance dit-il. Dans « persévérer » il entend les mots « percer » pour « voir ». C’est une pratique que l’on peut exercer après avoir acquit la « Philosophie de l’Art ». Il explique : « Aujourd’hui nous sommes dans une société où l’on veut tout, tout de suite. Et bien en alchimie ce n’est pas possible ! ». La quête alchimique est un chemin infini. L’acquisition de cette « Philosophie de l’Art » prend des années et des années. On ne la termine jamais. Une vie ne suffit pas. La transmutation de la matière ne peut se faire qu’après celle de l’esprit selon Patrick Burensteinas. Son site Internet propose des extraits du film de Georges Combe « Le voyage alchimique – Bruxelles la Grande Place », sorte de voyage initiatique qui a été fait en sept étapes. Burensteinas repasse sur les traces de ses prédécesseurs. A travers plusieurs hauts lieux de l’alchimie, il tente de décoder et d’interpréter les symboles et les signes laissés par d’anciens alchimistes. Patrick Burensteinas se dit dans une recherche continuelle et sans fin. Sacrée force de caractère me dis-je ! Il faudrait que je contacte absolument cet alchimiste.

A première vue, impossible de trouver les coordonnées de Patrick Burensteinas sur son site Internet. J’essaie néanmoins de contacter le web master de son site. Mais pas de réponse. Je vois que Monsieur Burensteinas propose des formations un peu partout en France et à Paris. Une de ses prochaines interventions se déroule du 14 au 15 Avril à Paris, dans un lieu qui s’appelle « L’univers d’Esther ». Il propose une formation, « Le laboratoire végétal », et suggère d’y apprendre toutes les phases de la réalisation d’un produit alchimique. Mais je n’ai pas le temps d’attendre ces dates. Il y a le téléphone d’une certaine Charlotte Duquesne, à contacter pour les formations proposées. Je l’appelle, mais elle indique sur son répondeur qu’elle est au Québec actuellement et qu’elle rentrera à la fin du mois de Mars. Néanmoins, elle laisse un e-mail. Je la contacte. Elle me transmet le mail de Patrick Burensteinas. J’envoie un message à celui-ci. Mais rien, toujours aucune réponse.

Peut-être, que je pourrai avoir son téléphone si je me rends à « L’univers d’Esther » ? Je décide d’y aller. C’est au 13, rue des Tournelles, dans le 4ème arrondissement de Paris.

J’arrive à la boutique, un panneau indique « L’univers d’Esther », sous titré : « La boutique pour le corps, l’esprit et l’âme… ». (Þ voir Pl n°4 : enseigne et boutique L’univers d’Esther) L’espace est plus chic que la première boutique visitée. Encore deux femmes. Celle qui semble être la  patronne est assez bourgeoise d’allure. Elle porte des petites boucles d’oreilles. Son tailleur est tiré à quatre épingles. Elle ne m’inspire aucune sympathie. L’ambiance est froide. Les deux femmes se vouvoient sèchement. Je leur explique ma démarche et indique que je ne souhaite rien acheter. La responsable manque de m’interrompre pour prononcer le nom de Patrick Burensteinas. Elle m’indique qu’elle connaît Charlotte Duquesne. Je lui demande d’avoir la gentillesse de me donner les coordonnées téléphoniques de Monsieur Burensteinas. Incertaine, elle regarde dans le fichier « Intervenants » de son ordinateur, mais ne trouve que les coordonnées de Charlotte Duquesne que j’ai déjà. Cette dame connaît mal Patrick car c’est un intervenant extérieur, c’est-à-dire qu’il loue l’arrière salle de la boutique pour faire ses formations. Je lui demande si elle connaît d’autres alchimistes, mais non. Elle me donne quand même le numéro de téléphone de son grossiste en livres ésotériques, « DG Diffusion ». C’est son fournisseur, et je peux l’appeler de la part de « L’univers d’Esther ». Mais aucune garantie qu’on me donne les coordonnées des auteurs. Pourquoi ne pas tenter ma chance ? Puis nous sympathisons brièvement. Mon enquête l’intrigue. Elle s’intéresse à mes études et finit par me dire que je n’ai pas pris un sujet facile, l’alchimie étant un milieu très hermétique. (Merci ! Je commençais à le comprendre, avais-je envie de lui dire !…). Elle me donne l’autorisation de prendre quelques clichés, et me souhaite bonne chance. Décidément elle n’était pas aussi mauvaise que je le pensais. Les apparences sont parfois trompeuses…

De retour chez moi, j’appelle ce grossiste en livres. Un monsieur me répond. Il est fournisseur du livre de Patrick Burensteinas : « De la matière à la lumière ». Mais c’est impensable, qu’il me donne les coordonnées de Burensteinas. L’entreprise est tenue au secret des données personnelles de ses auteurs. Fin de la conversation. 

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[1] Écrivain, prêtre lévite, astrologue, alchimiste et philosophe du XIVème siècle.

[2] Paul Coelho, L’Alchimiste, Ed. Anne Carrière, p.106, 1988

[3] Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, Dictionnaire Des Symboles, Ed Robert Laffont / Jupiter, p.21, 1969